ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
10 juin 2021 (*)
« Renvoi
préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive
93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les
consommateurs – Contrats de prêt hypothécaire libellés en devise
étrangère (franc suisse) – Prescription – Article 4,
paragraphe 2 – Objet principal du contrat – Clauses
exposant l’emprunteur à un risque de change – Exigences
d’intelligibilité et de transparence – Charge de la preuve –
Article 3, paragraphe 1 – Déséquilibre significatif –
Article 5 – Rédaction claire et compréhensible d’une clause
contractuelle – Principe d’effectivité »
Dans les affaires jointes C‑776/19 à C‑782/19,
ayant
pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de
l’article 267 TFUE, introduites par le tribunal de grande
instance de Paris (France), par décisions des 1er et 2 octobre 2019, parvenues à la Cour le 22 octobre 2019, dans les procédures
VB,
WA (C‑776/19),
XZ,
YY (C‑777/19),
ZX (C‑778/19),
DY,
EX (C‑781/19)
contre
BNP Paribas Personal Finance SA,
et
AV (C‑779/19),
BW,
CX (C‑780/19),
FA (C‑782/19)
contre
BNP Paribas Personal Finance SA,
Procureur de la République,
LA COUR (première chambre),
composée de M. J.–C. Bonichot, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, vice–présidente de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, Mme C. Toader, MM. M. Safjan et N. Jääskinen (rapporteur), juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : Mme V. Giacobbo, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 octobre 2020,
considérant les observations présentées :
– pour VB, WA, DY et EX, par Me C. Constantin-Vallet, avocat,
– pour XZ, YY, ZX, AV, BW, CX et FA, par Mes A.-V. Benoit, C. Fabre et S. Szames, avocats,
– pour BNP Paribas Personal Finance SA, par Mes P. Metais et P. Spinosi, avocats,
– pour le gouvernement français, par Mmes A.-L. Desjonquères et E. de Moustier ainsi que par M. E. Toutain, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme C. Valero ainsi que par MM. N. Ruiz García et M. Van Hoof, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger les affaires sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Les
demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de la
directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les
clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO
1993, L 95, p. 29).
2 Ces
demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, d’une
part, VB, WA, XZ, YY, ZX, DY et EX à BNP Paribas Personal Finance SA et,
d’autre part, AV, BW, CX et FA à BNP Paribas Personal Finance et au
Procureur de la République (France) au sujet du caractère prétendument
abusif des clauses figurant dans des contrats de prêt hypothécaire
libellés en devise étrangère qui prévoient, notamment, que le franc
suisse est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement
et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur
l’emprunteur.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les
seizième et vingt-quatrième considérants de la directive 93/13
énoncent :
« considérant que
l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif
des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère
public fournissant des services collectifs prenant en compte une
solidarité entre usagers, nécessite d’être complétée par un moyen
d’évaluation globale des différents intérêts impliqués ; que ceci
constitue l’exigence de bonne foi ; que, dans l’appréciation de la
bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des
positions respectives de négociation des parties, à la question de
savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son
accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou
fournis sur commande spéciale du consommateur ; que l’exigence de
bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon
loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte
les intérêts légitimes ;
[...]
considérant
que les autorités judiciaires et organes administratifs des États
membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire
cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec
les consommateurs ».
4 L’article 3 de cette directive dispose :
« 1. Une
clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation
individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de
l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties
découlant du contrat.
2. Une
clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une
négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que
le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son
contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.
[...] »
5 Aux termes de l’article 4 de ladite directive :
« 1. Sans
préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause
contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou
services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la
conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa
conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un
autre contrat dont il dépend.
2. L’appréciation
du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de
l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la
rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en
contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées
de façon claire et compréhensible. »
6 L’article 5 de la même directive prévoit :
« Dans
le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au
consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être
rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens
d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur
prévaut. [...] »
7 L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose :
« Les
États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un
contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas
les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits
nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon
les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
8 L’article 7, paragraphe 1, de cette directive prévoit :
« Les
États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi
que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces
existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans
les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »
Le droit français
9 L’article 2224 du code civil dispose :
« Les
actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à
compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû
connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
10 Au
cours des années 2008 et 2009, VB, WA, XZ, YY, ZX, DY, EX, AV, BW,
CX, et FA (ci-après les « requérants au principal ») ont
individuellement souscrit auprès de BNP Paribas Personal Finance un
contrat de prêt hypothécaire libellé en devise étrangère et dénommé
« Helvet Immo ». Ces contrats, qui ont été principalement
commercialisés par des intermédiaires, ont été conclus en vue de l’achat
de biens immobiliers ou de parts de sociétés immobilières, pour des
montants variables compris entre 48 000 et
426 000 francs suisses, à savoir entre environ 44 000 et
389 000 euros, et pour des durées comprises entre 22 et 25 ans.
11 Il
ressort des décisions de renvoi que lesdits contrats comportaient des
clauses contractuelles selon lesquelles :
– les
crédits concernés étaient financés par des emprunts souscrits en
francs suisses et ces crédits étaient gérés à la fois en francs
suisses (monnaie de compte) et en euros (monnaie de paiement) ;
– s’agissant
des opérations de change, les versements au titre des prêts en cause
ne pouvaient être effectués qu’en euros pour un remboursement en francs
suisses ;
– les
opérations de change à effectuer étaient énumérées dans les contrats de
prêt en cause au principal, et en cas de défaillance de l’emprunteur,
le prêteur avait la possibilité de remplacer unilatéralement le franc
suisse par l’euro ;
– l’amortissement
dépendant de l’évolution de la parité euro/franc suisse, celui-ci
serait moins rapide si l’opération de change entraînait une somme
inférieure à l’échéance en francs suisses, et l’éventuelle part de
capital non amortie serait inscrite au solde débiteur. Dans le cas
inverse, le remboursement du crédit serait plus rapide ;
– si
le maintien du montant des règlements en euros ne permettait pas de
régler la totalité du solde du compte sur la durée résiduelle initiale
majorée de cinq années, les règlements seraient augmentés. Si, à la fin
de la cinquième année de prolongation, il subsistait un solde débiteur,
les règlements devaient se poursuivre jusqu’à complet règlement ;
– le
taux d’intérêt fixe, initialement convenu, était révisable tous les
cinq ans selon une formule prédéterminée et, à cette occasion,
l’emprunteur pouvait opter pour le passage en euros de la monnaie de
compte, en choisissant soit l’application d’un nouveau taux d’intérêt
fixe majoré soit l’application d’un taux variable.
12 Pour
les requérants au principal dans les affaires C‑776/19, C‑778/19,
C‑779/19 et C‑780/19, étaient jointes à l’offre de prêt deux
simulations chiffrées illustrant l’influence des variations des taux de
change sur le montant et la durée du prêt. La première portait sur
l’impact d’une hausse ou d’une baisse de deux points du taux d’intérêt
intervenant à compter de la 61e échéance sur le montant des
règlements, la durée, et le coût total du crédit. La seconde, intitulée
« informations relatives aux opérations de change qui seront
réalisées dans le cadre de la gestion de votre crédit », simulait
les variations de ces mêmes éléments dans l’hypothèse d’une appréciation
de l’euro par rapport au franc suisse (dans l’affaire C‑776/19,
1 euro pour 1,5896 franc suisse ; dans l’affaire
C‑778/19, 1 euro pour 1,57 franc suisse ; dans l’affaire
C‑779/19, 1 euro pour 1,59 franc suisse ; dans l’affaire
C‑780/19, 1 euro pour 1,66 franc suisse) et d’une dépréciation
de l’euro (dans l’affaire C‑776/19, 1 euro pour 1,4296 franc
suisse ; dans l’affaire C‑778/19, 1 euro pour 1,41 franc
suisse ; dans l’affaire C‑779/19, 1 euro pour 1,43 franc
suisse ; dans l’affaire C‑780/19, 1 euro pour 1,5 franc
suisse).
13 Pour
les requérants au principal dans les affaires C‑777/19, C‑781/19 et
C‑782/19, aucune simulation ne leur aurait été fournie par le prêteur.
14 En
raison de l’évolution défavorable des taux de change constatée depuis
la date de conclusion des contrats en cause au principal, les requérants
en cause au principal ont rencontré des difficultés pour rembourser le
prêt hypothécaire qu’ils avaient souscrit. Par suite, au cours des
années 2015 à 2018, ces requérants ont assigné BNP Paribas
Personal Finance, chacun pour ce qui le concerne, devant la juridiction
de renvoi en invoquant, notamment, le caractère abusif des clauses
instituant le mécanisme financier prévu par les contrats « Helvet
Immo ».
15 En
outre, à la suite d’une instruction judiciaire, BNP Paribas Personal
Finance a été renvoyée, le 29 août 2017, devant le tribunal
correctionnel (France) du chef de pratique commerciale trompeuse. Par
jugement du 26 février 2020, la 13e chambre
correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris (France) a
condamné cet établissement bancaire pour pratique commerciale trompeuse.
Selon les informations fournies par les parties au principal lors de
l’audience devant la Cour, BNP Paribas Personal Finance a interjeté
appel de ce jugement, lequel n’est donc pas définitif.
16 Devant
la juridiction de renvoi, les requérants au principal soulèvent,
notamment, le caractère abusif des clauses instituant le mécanisme
financier prévu par les contrats de prêt en cause. Pour sa part, BNP
Paribas Personal Finance fait valoir que les demandes par lesquelles les
requérants au principal soutiennent le caractère abusif desdites
clauses contractuelles sont prescrites et, en tout état de cause, non
fondées.
17 En
ce qui concerne, d’une part, la question de la prescription des
demandes introduites par les requérants au principal, la juridiction de
renvoi relève que l’application du délai de prescription de cinq ans,
en vertu de l’article 2224 du code civil français, conduirait à
constater la prescription desdites demandes. Ce délai commencerait à
courir, selon une jurisprudence nationale, à la date de l’acceptation de
l’offre de prêt.
18 Dans
ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si l’opposition d’un
tel délai de prescription aux demandes introduites par des
consommateurs pour faire valoir des droits qu’ils tirent de la directive
93/13 est compatible avec le principe d’effectivité. Selon elle, étant
donné que le taux de change peut rester stable durant les premières
années du contrat et se dégrader uniquement plus tard au cours de la vie
de ce contrat, il ne saurait être exclu que les emprunteurs ne soient
pas à même de faire valoir leurs droits.
19 En
ce qui concerne, d’autre part, l’examen du caractère abusif des
clauses du contrat, la juridiction de renvoi relève que les contrats de
prêt en cause au principal comportent plusieurs clauses faisant partie
d’un mécanisme de conversion de devises, qui ont pour effet de faire
porter le risque de change sur l’emprunteur.
20 Dans
ce contexte, cette juridiction se demande en particulier si, en raison
du fait que ces clauses contractuelles traitent de la question du risque
de change, il convient de les considérer comme participant à l’objet
principal des contrats de prêt en cause au principal ne pouvant, à ce
titre, être qualifiées d’abusives dès lors qu’elles sont claires et
compréhensibles. À cet égard, se poserait aussi la question de
l’incidence, sur la qualification de ces clauses contractuelles, d’une
autre clause insérée dans les contrats de prêt en cause au principal
permettant à l’emprunteur d’exercer une option de conversion en euros à
dates prédéterminées.
21 S’agissant
des éléments d’appréciation du caractère clair et compréhensible d’une
clause du contrat et de l’existence d’un déséquilibre significatif entre
les droits et les obligations des parties à ce contrat découlant de
celui-ci, la juridiction de renvoi relève que les requérants au
principal ont reçu des informations sur l’incidence des variations de
la parité entre l’euro et le franc suisse sur le coût du prêt concerné.
Le risque de change ne serait toutefois nullement mentionné dans les
contrats de prêt en cause au principal.
22 La
juridiction de renvoi précise, en outre, que, dans la jurisprudence
nationale, les clauses du contrat telles que celles en cause au
principal ont été considérées comme claires et compréhensibles au motif
notamment que les emprunteurs ont reçu des informations sur les
opérations de change réalisées au cours de la durée du contrat de prêt
concerné ainsi que sur l’incidence des variations de la parité entre
l’euro et le franc suisse sur la durée de ce contrat et sur les
règlements aux fins du paiement du solde du compte.
23 Dans
ce cadre, étant donné que le professionnel dispose de moyens supérieurs
au consommateur afin d’anticiper les évolutions économiques et le
risque de change, la juridiction de renvoi s’interroge sur les
informations spécifiques concernant le risque de change qui doivent être
transmises à un emprunteur qui ne connaît pas les prévisions
économiques pouvant avoir des répercussions sur l’évolution de la parité
entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement, et sur les
risques qui y sont associés. À cet égard, se poserait également la
question de la charge de la preuve du caractère clair et compréhensible
d’une clause du contrat, puisque la communication de certaines
informations est contestée dans les procédures au principal.
24 Dans
ces conditions, le tribunal de grande instance de Paris a décidé de
surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles
suivantes :
« 1) La
directive [93/13], interprétée à la lumière du principe d’effectivité,
s’oppose-t-elle, dans [des affaires comme celles] au principal, à
l’application des règles de prescription, dans les cas suivants :
(a) pour la déclaration du caractère abusif d’une clause, (b) pour les
restitutions éventuelles, (c) lorsque le consommateur est demandeur et
(d) lorsque le consommateur est défendeur, y compris à une demande
reconventionnelle ?
2) En
cas de réponse totalement ou partiellement négative à la première
question, la directive [93/13], interprétée à la lumière du principe
d’effectivité, s’oppose-t-elle, dans [des affaires comme celles] en
cause au principal, à l’application d’une jurisprudence nationale fixant
le point de départ du délai de prescription à la date d’acceptation de
l’offre de prêt, plutôt qu’à la date de survenance de difficultés
financières sérieuses ?
3) Des
clauses telles que celles en [cause] dans [les litiges au] principal,
prévoyant notamment que le franc suisse est la monnaie de compte et
l’euro la monnaie de paiement, ayant pour effet de faire porter le
risque de change sur l’emprunteur, relèvent-elles de l’objet principal
du contrat au sens de l’article 4, [paragraphe] 2, de la directive
93/13, en l’absence de contestation du montant des frais de change et en
présence de clauses prévoyant, à dates fixes, la possibilité pour
l’emprunteur d’exercer une option de conversion en euros selon une
formule prédéterminée ?
4) La
directive [93/13], interprétée à la lumière du principe d’effectivité
du droit [de l’Union], s’oppose-t-elle à une jurisprudence nationale
considérant qu’une clause ou un ensemble de clauses, telle que celles en
cause au principal, sont “claires et compréhensibles” au sens de la
directive, aux motifs que :
– l’offre
préalable de prêt détaille les opérations de change réalisées au cours
de la vie du crédit et précise que le taux de change euros contre francs
suisses sera celui applicable deux jours ouvrés avant la date de
l’événement qui détermine l’opération et qui est publié sur le site de
la Banque centrale européenne ;
– il
est mentionné dans l’offre que l’emprunteur accepte les opérations de
change de francs suisses en euros et d’euros en francs suisses
nécessaires au fonctionnement et au remboursement du crédit, et que le
prêteur opérera la conversion en francs suisses du solde des règlements
mensuels en euros après paiement des charges annexes du crédit ;
– l’offre
indique que, s’il résulte de l’opération de change une somme inférieure
à l’échéance en francs suisses exigible, l’amortissement du capital
sera moins rapide et l’éventuelle part de capital non amorti au titre
d’une échéance sera inscrite au solde débiteur du compte en francs
suisses, et qu’il est précisé que l’amortissement du capital du prêt
évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux
règlements mensuels, à la hausse ou à la baisse, que cette évolution
peut entraîner l’allongement ou la réduction de la durée d’amortissement
du prêt et, le cas échéant, modifier la charge totale de
remboursement ;
– les
articles “compte interne en euros” et “compte interne en francs
suisses” détaillent les opérations effectuées à chaque paiement
d’échéance au crédit et au débit de chaque compte, et que le contrat
expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de
conversion de la devise étrangère ;
et
alors que ne figure dans l’offre, notamment, pas de mention expresse du
“risque de change” qui incombe à l’emprunteur au vu de l’absence de
perception des revenus dans la monnaie de compte, ni de mention
explicite du “risque de taux d’intérêt” ?
5) Dans
l’éventualité d’une réponse [affirmative] à la quatrième question, la
directive [93/13], interprétée à la lumière du principe d’effectivité du
droit [de l’Union], s’oppose-t-elle à une jurisprudence nationale
considérant qu’une clause ou un ensemble de clauses, telle que celles en
cause au principal, sont “claires et compréhensibles” au sens de la
directive, dès lors que s’ajoute uniquement aux éléments relevés dans la
quatrième question, une simulation d’une baisse de [5 à 6 %] de
la monnaie de règlement par rapport à la monnaie de compte, dans un
contrat d’une durée initiale de [22 à 25 ans], et sans autre mention des
termes tels que “risque” ou “difficulté”?
6) La
charge de la preuve du caractère “clair et compréhensible” d’une clause
au sens de la directive 93/13 incombe-t-elle, y compris au sujet des
circonstances entourant la conclusion du contrat, au professionnel ou au
consommateur ?
7) Si
la charge de la preuve du caractère clair et compréhensible de la
clause appartient au professionnel, la directive 93/13 s’oppose-t-elle à
une jurisprudence nationale estimant, en présence de documents relatifs
aux techniques de vente, qu’il appartient aux emprunteurs de prouver,
d’une part, qu’ils ont été destinataires des informations contenues dans
ces documents et, d’autre part, que c’est la banque qui les leur a
adressés, ou, au contraire, exige-t-elle que ces éléments constituent
une présomption de ce que les informations contenues dans ces documents
ont été transmises, y compris verbalement, aux emprunteurs, présomption
simple qu’il incombe au professionnel, qui doit répondre des
informations communiquées par les intermédiaires qu’il a choisis, de
réfuter ?
8) L’existence
d’un déséquilibre significatif peut-elle être caractérisée dans [des
contrats tels que ceux] au principal dans [lesquels] les deux parties
subissent un risque de change, dès lors que, d’une part, le
professionnel dispose de moyens supérieurs au consommateur pour
anticiper le risque de change et que, d’autre part, le risque supporté
par le professionnel est plafonné tandis que celui supporté par le
consommateur ne l’est pas ? »
25 Par
décision du président de la Cour du 19 novembre 2019, les affaires
C‑776/19 à C‑782/19 ont été jointes aux fins des phases écrite et
orale de la procédure.
Sur les questions préjudicielles
Sur les première et deuxième questions
26 Par
ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble,
la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 93/13,
lue à la lumière du principe d’effectivité, doit être interprétée en ce
sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale soumettant
l’introduction d’une demande par un consommateur aux fins de la
constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat
conclu entre un professionnel et ce consommateur ou aux fins de la
restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de clauses
abusives au sens de cette directive, à un délai de prescription de cinq
ans qui commence à courir à la date de l’acceptation de l’offre de
prêt.
27 À
cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à une jurisprudence
constante, en l’absence de réglementation spécifique de l’Union en la
matière, les modalités de mise en œuvre de la protection des
consommateurs prévue par la directive 93/13 relèvent de l’ordre
juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie
procédurale de ces derniers. Cependant, ces modalités ne doivent pas
être moins favorables que celles régissant des situations similaires de
nature interne (principe d’équivalence) ni être aménagées de manière à
rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des
droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe
d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020,
Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑224/19 et C‑259/19,
EU:C:2020:578, point 83 ainsi que jurisprudence citée).
28 En
ce qui concerne le principe d’effectivité, seul visé dans la présente
affaire, il y a lieu de relever que chaque cas où se pose la question
de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou
excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être
analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans
l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités,
devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il
convient de prendre en considération, le cas échéant, les principes qui
sont à la base du système juridictionnel national, tels que la
protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique
et le bon déroulement de la procédure (voir, notamment, arrêt du
16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria,
C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, point 85 ainsi que
jurisprudence citée).
29 En
outre, la Cour a précisé que l’obligation pour les États membres
d’assurer l’effectivité des droits que les justiciables tirent du droit
de l’Union implique, notamment pour les droits découlant de la directive
93/13, une exigence de protection juridictionnelle effective, consacrée
également à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne, qui vaut, entre autres, en ce qui concerne la
définition des modalités procédurales relatives aux actions en justice
fondées sur de tels droits (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018,
Sziber, C‑483/16, EU:C:2018:367, point 49 et jurisprudence citée).
30 En
ce qui concerne l’analyse des caractéristiques du délai de prescription
en cause au principal, la Cour a précisé que cette analyse doit porter
sur la durée d’un tel délai ainsi que sur les modalités de son
application, en ce compris la modalité retenue pour déclencher
l’ouverture de ce délai (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020,
Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18,
EU:C:2020:537, point 61 ainsi que jurisprudence citée).
31 Premièrement,
s’agissant de l’opposition d’un délai de prescription aux demandes
faites par des consommateurs pour faire valoir des droits qu’ils tirent
de la directive 93/13, il importe de relever que, selon la jurisprudence
de la Cour, des délais raisonnables de recours fixés, sous peine de
forclusion, dans l’intérêt de la sécurité juridique ne sont pas de
nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile
l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union, si de
tels délais sont matériellement suffisants pour permettre au
consommateur de préparer et de former un recours effectif (voir,
notamment, arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe
Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 62
ainsi que jurisprudence citée).
32 En
effet, la Cour a reconnu que la protection du consommateur ne revêt pas
un caractère absolu et que la fixation de délais raisonnables de
recours à peine de forclusion, dans l’intérêt de la sécurité juridique,
est compatible avec le droit de l’Union (voir, notamment, arrêts du
9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale,
C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 56, ainsi que du
16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria,
C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, point 82 ainsi que
jurisprudence citée).
33 Cependant,
en mettant en exergue la protection que la directive 93/13 assure aux
consommateurs, la Cour a dit pour droit que cette directive s’oppose à
une réglementation interne qui interdit au juge national, après
l’expiration d’un délai de forclusion, de relever le caractère abusif
d’une clause insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un
consommateur (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 2002,
Cofidis, C‑473/00, EU:C:2002:705, point 38, ainsi que du
9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale,
C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 55).
34 En
l’occurrence, la demande de décision préjudicielle porte sur deux
situations distinctes, à savoir, d’une part, sur l’opposition d’un délai
de prescription à une demande introduite par un consommateur aux fins
de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un
contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur et, d’autre
part, sur l’opposition d’un tel délai à une demande introduite par
ledit consommateur aux fins de la restitution de sommes indûment
versées, sur le fondement de clauses abusives au sens de la directive
93/13.
35 S’agissant,
d’une part, de l’opposition d’un délai de prescription à une demande
introduite par un consommateur aux fins de la constatation du caractère
abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un
professionnel et ce consommateur, il importe de rappeler, en premier
lieu, que, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la
directive 93/13, les clauses abusives figurant dans un contrat conclu
entre un professionnel et un consommateur ne lient pas ce consommateur.
36 En
deuxième lieu, compte tenu de la nature et de l’importance de l’intérêt
public que constitue la protection des consommateurs, la directive
93/13 impose aux États membres, ainsi que cela ressort de son
article 7, paragraphe 1, lu en combinaison avec son
vingt-quatrième considérant, de prévoir des moyens adéquats et efficaces
afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les
contrats entre un professionnel et les consommateurs. Pour ce faire, il
incombe aux juridictions nationales d’écarter l’application des clauses
abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à
l’égard du consommateur, sauf si celui-ci s’y oppose (voir, en ce sens,
arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société
Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, points 52 et 53
ainsi que jurisprudence citée).
37 En
troisième lieu, il ressort de la jurisprudence qu’une clause
contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme
n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à
l’égard du consommateur. La Cour en a déduit que la constatation
judiciaire du caractère abusif d’une telle clause doit, en principe,
avoir pour conséquence le rétablissement de la situation en droit et en
fait du consommateur dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de
ladite clause, de sorte que l’obligation pour le juge national d’écarter
une clause contractuelle abusive imposant le paiement de sommes qui se
révèlent indues emporte, en principe, un effet restitutoire
correspondant à l’égard de ces mêmes sommes (voir, en ce sens, arrêts du
21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et
C‑308/15, EU:C:2016:980, points 61 et 62, ainsi que du
9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale,
C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 54).
38 Dans
cette perspective, il y a lieu de considérer que, afin notamment
d’assurer une protection effective des droits que le consommateur tire
de la directive 93/13, celui-ci doit pouvoir soulever, à tout moment, le
caractère abusif d’une clause contractuelle non seulement en tant que
moyen de défense, mais également aux fins de faire déclarer par le juge
le caractère abusif d’une clause contractuelle, de sorte qu’une demande
introduite par le consommateur aux fins de la constatation du
caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un
professionnel et un consommateur ne saurait être soumise à un quelconque
délai de prescription.
39 S’agissant,
d’autre part, de l’opposition d’un délai de prescription à une demande
introduite par un consommateur aux fins de la restitution de sommes
indûment versées, sur le fondement de clauses abusives au sens de la
directive 93/13, il suffit de rappeler que la Cour a déjà dit pour droit
que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7,
paragraphe 1, de cette directive ne s’opposent pas à une
réglementation nationale qui, tout en prévoyant le caractère
imprescriptible de l’action tendant à constater la nullité d’une clause
abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un
consommateur, soumet à un délai de prescription l’action visant à faire
valoir les effets restitutifs de cette constatation, sous réserve du
respect des principes d’équivalence et d’effectivité (voir, en ce sens,
arrêts du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société
Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 58, ainsi que
du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria,
C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, point 84).
40 Dès
lors, il y a lieu de considérer que l’opposition d’un délai de
prescription aux demandes de caractère restitutif, formées par des
consommateurs en vue de faire valoir des droits qu’ils tirent de la
directive 93/13 n’est pas, en soi, contraire au principe d’effectivité,
pour autant que son application ne rend pas en pratique impossible ou
excessivement difficile l’exercice des droits conférés par cette
directive.
41 Deuxièmement,
en ce qui concerne la durée du délai de prescription auquel est soumise
une demande introduite par un consommateur aux fins de la restitution
de sommes indûment versées, sur le fondement de clauses abusives au sens
de la directive 93/13, il y a lieu de relever que la Cour a déjà eu
l’occasion de se prononcer sur la compatibilité avec le principe
d’effectivité de délais de prescription comparables à celui en cause au
principal, ayant des durées de trois et de cinq ans, qui ont été opposés
à des actions visant à faire valoir les effets restitutifs d’une
constatation du caractère abusif d’une clause contractuelle. Selon la
Cour, à condition qu’ils soient établis et connus à l’avance, ces délais
sont, en principe, suffisants pour permettre au consommateur concerné
de préparer et de former un recours effectif. Ainsi, des durées de trois
à cinq ans ne sont pas, en elles-mêmes, incompatibles avec le principe
d’effectivité (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2020,
Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18,
EU:C:2020:537, points 62 et 64, ainsi que du 16 juillet 2020,
Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑224/19 et C‑259/19,
EU:C:2020:578, point 87 ainsi que jurisprudence citée).
42 En
conséquence, il y a lieu de considérer que, pour autant qu’il est
établi et connu d’avance, un délai de prescription de cinq ans, tel que
celui en cause au principal, opposé à une demande introduite par un
consommateur aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur
le fondement de clauses abusives au sens de la directive 93/13, ne
paraît pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement
difficile l’exercice des droits conférés par la directive 93/13. En
effet, un délai d’une telle durée est, en principe, matériellement
suffisant pour permettre au consommateur de préparer et de former un
recours effectif afin de faire valoir les droits qu’il tire de cette
directive, et ce notamment sous forme de prétentions, de nature
restitutive, fondées sur le caractère abusif d’une clause
contractuelle.
43 Cependant,
s’agissant, troisièmement, du point de départ du délai de prescription
en cause au principal, il existe un risque non négligeable que le
consommateur ne soit pas en mesure d’invoquer, durant ce délai, les
droits que lui confère la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du
5 mars 2020, OPR-Finance, C‑679/18, EU:C:2020:167, point 22 et
jurisprudence citée).
44 En
effet, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi
que le délai de prescription de cinq ans, prévu à l’article 2224
du code civil, commence à courir, selon la jurisprudence issue des
juridictions françaises, à la date de l’acceptation de l’offre du prêt
en cause.
45 À
cet égard, il convient de tenir compte de la situation d’infériorité du
consommateur à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le
pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le
conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le
professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de
celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen
Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18,
EU:C:2020:537, point 66 ainsi que jurisprudence citée). De même, il
importe de rappeler que les consommateurs peuvent ignorer le caractère
abusif d’une clause figurant dans un contrat de prêt hypothécaire ou ne
perçoivent pas l’étendue de leurs droits découlant de la directive
93/13 (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et
Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578,
point 90 ainsi que jurisprudence citée).
46 Il
y a lieu de relever qu’un délai de prescription peut être compatible
avec le principe d’effectivité uniquement si le consommateur a eu la
possibilité de connaître ses droits avant que ce délai ne commence à
courir ou ne s’écoule (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2009,
Asturcom Telecomunicaciones, C‑40/08, EU:C:2009:615,
point 45 ; du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD
Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537,
point 67, ainsi que du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco
Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578,
point 91).
47 Or,
l’opposition d’un délai de prescription de cinq ans, tel que celui en
cause au principal, à une demande introduite par un consommateur aux
fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de
clauses abusives au sens de la directive 93/13, qui commence à courir à
la date de l’acceptation de l’offre de prêt, n’est pas de nature à
assurer audit consommateur une protection effective, dès lors que ce
délai risque d’avoir expiré avant même que le consommateur ne puisse
avoir connaissance de la nature abusive d’une clause contenue dans le
contrat en cause. Un tel délai rend excessivement difficile l’exercice
des droits que ce consommateur tire de la directive 93/13 et méconnaît,
dès lors, le principe d’effectivité (voir, par analogie, arrêts du
9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale,
C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, points 67 et 75, ainsi que du
16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria,
C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, point 91).
48 Eu
égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre aux première et
deuxième questions que l’article 6, paragraphe 1, et
l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la
lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens
qu’ils s’opposent à une réglementation nationale soumettant
l’introduction d’une demande par un consommateur :
– aux
fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans
un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai
de prescription ;
– aux
fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de
telles clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès
lors que ce délai commence à courir à la date de l’acceptation de
l’offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce
moment-là, ignorer l’ensemble de ses droits découlant de cette
directive.
Sur la troisième question
49 Par
sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance,
si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être
interprété en ce sens que la notion d’« objet principal du
contrat », au sens de cette disposition, couvre les clauses du
contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de
compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet
de faire porter le risque de change sur l’emprunteur.
50 Conformément
à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13,
l’appréciation du caractère abusif des clauses d’un contrat ne porte ni
sur la définition de l’objet principal de ce contrat ni sur l’adéquation
entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les
biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces
clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible. Le juge peut
donc contrôler le caractère abusif d’une clause, qui porte sur la
définition de l’objet principal du contrat, uniquement si cette clause
n’est pas claire et compréhensible.
51 À
cet égard, la Cour a jugé que l’article 4, paragraphe 2, de
la directive 93/13 édicte une exception au mécanisme de contrôle de fond
des clauses abusives, tel que prévu dans le cadre du système de
protection des consommateurs mis en œuvre par cette directive, et que,
dès lors, il convient de donner une interprétation stricte à cette
disposition (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16,
EU:C:2017:703, point 34 ainsi que jurisprudence citée).
52 En
ce qui concerne la catégorie des clauses du contrat qui relèvent de la
notion d’« objet principal du contrat », au sens de
l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, la Cour a
également jugé que ces clauses doivent s’entendre comme étant celles qui
fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles,
caractérisent celui-ci. En revanche, les clauses qui revêtent un
caractère accessoire par rapport à celles qui définissent l’essence même
du rapport contractuel ne sauraient relever de ladite notion (arrêt du
3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820,
point 32 ainsi que jurisprudence citée).
53 Il
appartient à la juridiction de renvoi d’examiner, eu égard à la nature,
à l’économie générale et aux stipulations des contrats de prêt en cause
au principal ainsi qu’au contexte juridique et factuel dans lequel ces
derniers s’inscrivent, si les clauses visées par la troisième question
constituent un élément essentiel de la prestation du débiteur consistant
dans le remboursement du montant mis à sa disposition par le prêteur
(voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank,
C‑621/17, EU:C:2019:820, point 33 ainsi que jurisprudence citée).
54 Cela
étant, il incombe néanmoins à la Cour de dégager de l’article 4,
paragraphe 2, de la directive 93/13 les critères applicables lors
d’un tel examen (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017,
Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 33).
55 À
cet égard, s’agissant des contrats de prêt libellés en devise
étrangère et remboursables en devise nationale, la Cour a précisé que
l’exclusion de l’appréciation du caractère abusif des clauses portant
sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les
services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, ne
saurait s’appliquer à des clauses qui se limitent à déterminer, en vue
du calcul des remboursements, le cours de conversion de la devise
étrangère dans laquelle le contrat de prêt est libellé, sans toutefois
qu’aucun service de change soit fourni par le prêteur lors dudit calcul,
et ne comportent, dès lors, aucune « rémunération » dont
l’adéquation en tant que contrepartie d’une prestation effectuée par le
prêteur ne saurait faire l’objet d’une appréciation de son caractère
abusif en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive
93/13 (arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13,
EU:C:2014:282, point 58).
56 Cependant,
la Cour a également précisé, sans toutefois limiter ce constat aux
seuls contrats de prêt libellés en devise étrangère et remboursables en
cette même devise, que les clauses du contrat qui se rapportent au
risque de change définissent l’objet principal de ce contrat (voir,
notamment, arrêts du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring,
C‑51/17, EU:C:2018:750, point 68 ainsi que jurisprudence citée,
et du 14 mars 2019, Dunai, C‑118/17, EU:C:2019:207, point 48).
57 À
cet égard, il convient d’observer que, par un contrat de crédit, le
prêteur s’engage, principalement, à mettre à la disposition de
l’emprunteur une certaine somme d’argent, ce dernier s’engageant, pour
sa part, principalement à rembourser, en règle générale avec intérêts,
cette somme selon les échéances prévues. Les prestations essentielles
d’un tel contrat se rapportent, dès lors, à une somme d’argent qui doit
être définie par rapport aux monnaies de paiement et de remboursement
qui y sont stipulées. Dès lors, le fait qu’un crédit doit être remboursé
dans une certaine monnaie a trait, en principe, non pas à une modalité
accessoire de paiement, mais bien à la nature même de l’obligation du
débiteur, constituant ainsi un élément essentiel d’un contrat de prêt
(arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16,
EU:C:2017:703, point 38).
58 Il
appartient donc à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant
compte des critères dégagés aux points 55 à 57 du présent arrêt, si les
clauses des contrats en cause au principal, qui prévoient que la devise
étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de
paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur
l’emprunteur, ont trait à la nature même de l’obligation du débiteur de
rembourser le montant mis à sa disposition par le prêteur, et ce
indépendamment du point de savoir si la contestation du consommateur
porte également sur les frais de change.
59 Par
ailleurs, il importe de préciser que l’existence, dans un contrat de
prêt libellé en devise étrangère, d’une autre clause permettant à
l’emprunteur d’exercer une option de conversion en euros à dates
prédéterminées ne saurait signifier que les clauses portant sur le
risque de change acquièrent de ce fait une dimension accessoire. En
effet, le fait que les parties ont la possibilité de modifier, à
certaines échéances, une des clauses essentielles du contrat permet à
l’emprunteur de modifier les conditions de son prêt ex nunc, sans que
l’existence d’une telle possibilité ait une incidence directe sur
l’appréciation de la prestation essentielle caractérisant le contrat en
cause.
60 Au
vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de
répondre à la troisième question que l’article 4,
paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens
que les clauses du contrat de prêt qui prévoient que la devise
étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de
paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur
l’emprunteur relèvent de cette disposition dans le cas où ces clauses
fixent un élément essentiel caractérisant ledit contrat.
Sur les quatrième et cinquième questions
61 Par
ses quatrième et cinquième questions, qu’il convient d’examiner
ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si
l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être
interprété en ce sens que, dans le cadre d’un contrat de
prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des
clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la
monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont
pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est
satisfaite dès lors que le professionnel a fourni au consommateur des
informations relatives à l’incidence sur les obligations financières de
ce consommateur de la hausse ou de la dépréciation éventuelles de
l’euro par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été
libellé.
62 Selon
une jurisprudence constante relative à l’exigence de transparence,
l’information, avant la conclusion d’un contrat, sur les conditions
contractuelles et les conséquences de ladite conclusion est, pour un
consommateur, d’une importance fondamentale. C’est notamment sur la base
de cette information que ce dernier décide s’il souhaite se lier
contractuellement à un professionnel en adhérant aux conditions rédigées
préalablement par celui-ci (arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral
Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 49 et jurisprudence citée).
63 Il
s’ensuit que l’exigence de transparence des clauses contractuelles,
telle qu’elle résulte de l’article 4, paragraphe 2, et de
l’article 5 de la directive 93/13, ne saurait être réduite au seul
caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de
celles-ci. Le système de protection mis en œuvre par cette directive
reposant sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation
d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment,
le niveau d’information, cette exigence de rédaction claire et
compréhensible des clauses contractuelles et, partant, de transparence,
imposée par ladite directive, doit être entendue de manière extensive
(arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18,
EU:C:2020:138, point 50 et jurisprudence citée).
64 En
conséquence, ladite exigence doit être comprise comme imposant non
seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur
sur les plans formel et grammatical, mais également qu’un consommateur
moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit
mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret de cette clause et
d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles,
les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une
telle clause sur ses obligations financières (arrêt du 3 mars 2020,
Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 51 et
jurisprudence citée).
65 Cela
implique notamment que le contrat doit exposer de manière transparente
le fonctionnement concret du mécanisme auquel la clause concernée fait
référence ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et
celui prescrit par d’autres clauses, de telle sorte que ce consommateur
soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et
intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui
(voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2021, Dexia Nederland,
C‑229/19 et C‑289/19, EU:C:2021:68, point 50 ainsi que
jurisprudence citée).
66 La
question de savoir si, en l’occurrence, l’exigence de transparence a
été respectée doit être examinée par la juridiction de renvoi à la
lumière de l’ensemble des éléments de fait pertinents, au nombre
desquels figurent la publicité et l’information fournies, dans le cadre
de la négociation des contrats de prêt en cause au principal, non
seulement par le prêteur lui-même, mais aussi par toute autre personne
ayant participé, au nom de ce professionnel, à la commercialisation des
prêts concernés.
67 Plus
particulièrement, il incombe au juge national, lorsqu’il tient compte
de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat de
prêt, de vérifier que, dans l’affaire concernée, ont été communiqués au
consommateur l’ensemble des éléments susceptibles d’avoir une incidence
sur la portée de son engagement lui permettant d’évaluer, notamment, le
coût total de son emprunt. Jouent un rôle décisif dans cette
appréciation, d’une part, la question de savoir si les clauses de ce
contrat sont rédigées de manière claire et compréhensible de sorte
qu’elles permettent à un consommateur moyen, tel que décrit au
point 64 du présent arrêt, d’évaluer un tel coût et, d’autre part,
la circonstance liée à l’absence de mention, dans le contrat de crédit,
des informations considérées, au regard de la nature des biens ou des
services qui font l’objet de ce contrat, comme étant essentielles (voir,
en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch,
C‑125/18, EU:C:2020:138, point 52 et jurisprudence citée).
68 En
l’occurrence, la juridiction de renvoi relève que les requérants au
principal ont reçu, avant la souscription de leurs prêts, des
informations sur l’incidence des variations de la parité entre l’euro et
le franc suisse sur la durée du contrat et sur les règlements aux fins
du paiement du solde du compte. Le risque de change n’aurait toutefois
été nullement mentionné.
69 En
ce qui concerne les contrats de prêt libellés en devise étrangère,
tels que ceux en cause au principal, il y a lieu de constater, en
premier lieu, qu’est pertinente, aux fins de ladite appréciation,
toute information fournie par le professionnel qui vise à éclairer le
consommateur sur le fonctionnement du mécanisme de change et le risque
lié à celui-ci. Constituent des éléments d’une importance particulière
les précisions concernant les risques encourus par l’emprunteur en cas
de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l’État
membre où celui-ci est domicilié et d’une hausse du taux d’intérêt
étranger.
70 À
cet égard, ainsi que l’a souligné le Comité européen du risque
systémique dans sa recommandation CERS/2011/1, du 21 septembre
2011, concernant les prêts en devises (JO 2011, C 342, p. 1),
les établissements financiers doivent fournir aux emprunteurs des
informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs
décisions avec prudence et en toute connaissance de cause, celles-ci
devant au moins traiter de l’incidence sur les remboursements d’une
dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l’État
membre où l’emprunteur est domicilié et d’une hausse du taux d’intérêt
étranger (Recommandation A – Sensibilisation des emprunteurs aux
risques, point 1) (arrêt du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP
Faktoring, C‑51/17, EU:C:2018:750, point 74 ainsi que
jurisprudence citée).
71 La
Cour a relevé, en particulier, que l’emprunteur doit être clairement
informé du fait que, en concluant un contrat de prêt libellé dans une
devise étrangère, il s’expose à un risque de change qu’il lui sera,
éventuellement, économiquement difficile d’assumer en cas de
dépréciation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus. En
outre, le professionnel doit exposer les possibles variations des taux
de change et les risques inhérents à la conclusion d’un tel contrat
(voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP
Faktoring, C‑51/17, EU:C:2018:750, point 75 ainsi que jurisprudence
citée).
72 Il
en découle que, afin de respecter l’exigence de transparence, les
informations communiquées par le professionnel doivent pouvoir
permettre à un consommateur moyen, normalement informé et
raisonnablement attentif et avisé non seulement de comprendre que, en
fonction des variations du taux de change, l’évolution de la parité
entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement peut entraîner des
conséquences défavorables à l’égard de ses obligations financières,
mais également de comprendre, dans le cadre de la souscription d’un prêt
libellé en devise étrangère, le risque réel auquel il s’expose, pendant
toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation
importante de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus par
rapport à la monnaie de compte.
73 Dans
ce cadre, il importe de préciser que les simulations chiffrées, telles
que celles incluses dans certaines offres de prêt en cause au
principal, peuvent constituer un élément d’information utile, si elles
sont fondées sur des données suffisantes et exactes, et si elles
comportent des appréciations objectives qui sont communiquées de
manière claire et compréhensible au consommateur. Ce n’est qu’à ces
conditions que de telles simulations peuvent permettre au professionnel
d’attirer l’attention de ce consommateur sur le risque des conséquences
économiques négatives, potentiellement significatives, des clauses
contractuelles en cause. Or, comme toute autre information relative à la
portée de l’engagement du consommateur, communiquée par le
professionnel, les simulations chiffrées doivent contribuer à la
compréhension par ce consommateur de la portée réelle du risque, à
long terme, lié aux possibles variations des taux de change et ainsi,
des risques inhérents à la conclusion d’un contrat de prêt libellé en
devise étrangère.
74 Ainsi,
dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère exposant
le consommateur à un risque de change, ne saurait satisfaire à
l’exigence de transparence la communication à ce consommateur
d’informations, même nombreuses, si celles-ci sont fondées sur
l’hypothèse que la parité entre la monnaie de compte et la monnaie de
paiement restera stable tout au long de la durée de ce contrat. Il en
est notamment ainsi lorsque le consommateur n’a pas été averti par le
professionnel du contexte économique susceptible d’avoir des
répercussions sur les variations des taux de change, de sorte que le
consommateur n’a pas été mis en mesure de comprendre concrètement les
conséquences potentiellement lourdes, qui peuvent découler de la
souscription d’un prêt libellé en devise étrangère, sur sa situation
financière.
75 En
deuxième lieu, figure également parmi les éléments pertinents, aux
fins de l’appréciation mentionnée au point 67 du présent arrêt, le
langage utilisé par l’établissement financier dans les documents
précontractuels et contractuels. En particulier, l’absence de termes
ou d’explications avertissant l’emprunteur, de manière explicite, de
l’existence de risques particuliers liés aux contrats de prêt libellés
en devise étrangère peut confirmer que l’exigence de transparence,
telle qu’elle résulte notamment de l’article 4, paragraphe 2,
de la directive 93/13, n’est pas satisfaite.
76 En
troisième et dernier lieu, eu égard aux circonstances factuelles
relevées au point 15 du présent arrêt, il importe de rappeler que
la constatation du caractère déloyal d’une pratique commerciale, sur
lequel les parties au principal ont débattu lors de l’audience devant la
Cour, peut également constituer un élément parmi d’autres sur lequel
le juge national peut fonder son appréciation du caractère abusif des
clauses figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un
consommateur (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012, Pereničová
et Perenič, C‑453/10, EU:C:2012:144, point 43).
77 Cependant,
cet élément ne saurait établir automatiquement et à lui seul que
l’exigence de transparence qui découle de l’article 4,
paragraphe 2, de la directive 93/13 n’est pas satisfaite, cette
question devant être examinée en fonction de toutes les circonstances
propres au cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012,
Pereničová et Perenič, C‑453/10, EU:C:2012:144, point 44 ainsi que
jurisprudence citée).
78 Eu
égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux
quatrième et cinquième questions que l’article 4,
paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens
que, dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise
étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui
prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro
est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le
risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le
professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et
exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et
raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement
concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque
des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives,
de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la
durée de ce même contrat.
Sur les sixième et septième questions
79 Par
ses sixième et septième questions, qu’il convient d’examiner ensemble,
la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 93/13
doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que la charge de
la preuve du caractère clair et compréhensible d’une clause
contractuelle, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de cette
directive, incombe au consommateur et si tel est également le cas en
ce qui concerne la transmission des informations contenues dans des
documents relatifs aux techniques de vente employées par le
professionnel, ou par une autre personne ayant participé, au nom de ce
professionnel, à la commercialisation des prêts en cause.
80 À
cet égard, il y a lieu de relever que la directive 93/13 ne contient
aucune disposition relative à la charge de la preuve en ce qui concerne
le caractère clair et compréhensible d’une clause contractuelle, au sens
de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive.
81 Partant,
ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 27 du
présent arrêt, de telles modalités de mise en œuvre de la protection des
consommateurs, prévue par la directive 93/13, relèvent de l’ordre
juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie
procédurale de ces derniers, étant précisé que ces modalités ne doivent
pas être moins favorables que celles régissant des situations
similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni être aménagées
de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile
l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union
(principe d’effectivité).
82 À
cet égard, il y a lieu de relever que la directive 93/13 vise
notamment à protéger le consommateur afin de rééquilibrer l’asymétrie
entre la position du professionnel et celle du consommateur dans la
relation contractuelle. Cette asymétrie résulte de la situation
d’infériorité du consommateur à l’égard du professionnel en ce qui
concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information,
situation qui conduit le consommateur à adhérer, ainsi qu’il l’a été
rappelé au point 45 du présent arrêt, aux conditions rédigées
préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence
sur le contenu de celles-ci.
83 De
même, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 78 du présent
arrêt, pour que soit satisfaite l’exigence de transparence, telle
qu’elle résulte notamment de l’article 4, paragraphe 2, de la
directive 93/13, le professionnel doit fournir au consommateur les
informations suffisantes et exactes qui permettent à ce dernier
d’évaluer le risque des conséquences économiques négatives,
potentiellement significatives, des clauses contractuelles sur ses
obligations financières.
84 Dans
cette perspective, il y a lieu de relever que le respect du principe
d’effectivité et la réalisation de l’objectif sous-tendant la directive
93/13 consistant à protéger le consommateur en rééquilibrant
l’asymétrie entre la position du professionnel et celle du consommateur
ne pourraient être assurés si la charge de la preuve du caractère clair
et compréhensible d’une clause contractuelle, au sens de
l’article 4, paragraphe 2, de cette directive reposait sur le
consommateur.
85 En
effet, comme l’ont fait, en substance, observer le gouvernement
français et la Commission européenne dans leurs observations écrites,
l’effectivité de l’exercice des droits conférés par la directive 93/13
ne pourrait être assurée si le consommateur était tenu de prouver un
fait négatif, à savoir que le professionnel ne lui a pas fourni toutes
les informations nécessaires afin de satisfaire à l’exigence de
transparence, telle qu’elle résulte notamment de l’article 4,
paragraphe 2, de la directive 93/13.
86 Au
contraire, il convient de considérer que l’effectivité de l’exercice
des droits conférés par la directive 93/13 peut être assurée lorsque le
professionnel est, en principe, tenu de justifier devant le juge de la
bonne exécution de ses obligations précontractuelles et contractuelles
liées notamment à l’exigence de transparence des clauses contractuelles,
telle qu’elle résulte notamment de l’article 4, paragraphe 2,
de la directive 93/13. Ainsi peut être garantie la protection du
consommateur, sans porter une atteinte démesurée au droit du
professionnel à un procès équitable (voir, par analogie, arrêt du
18 décembre 2014, CA Consumer Finance, C‑449/13, EU:C:2014:2464,
point 28).
87 À
cet égard, il convient par ailleurs de préciser, en ce qui concerne
les « documents relatifs aux techniques de vente », visés
spécifiquement par la septième question, que l’obligation du
professionnel de justifier de la bonne exécution de ses obligations
précontractuelles et contractuelles doit également couvrir la preuve
relative à la communication des informations contenues dans de tels
documents au consommateur par le professionnel, ou par toute autre
personne ayant participé, au nom de ce professionnel, à la
commercialisation des prêts en cause. Il en est ainsi notamment
lorsqu’il est considéré que ces documents peuvent s’avérer utiles aux
fins de l’appréciation du caractère clair et compréhensible d’une clause
contractuelle au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la
directive 93/13.
88 Ainsi
que l’a relevé à juste titre la juridiction de renvoi, il appartient,
en définitive, au professionnel de maîtriser les canaux de distribution
de ses produits, qu’il s’agisse du choix des intermédiaires ou de la
communication commerciale vis-à-vis du consommateur. Il devrait donc
être en mesure de disposer des preuves de ce que les documents en cause
n’ont pas été utilisés ou ne l’étaient plus à la date de conclusion du
contrat afin de justifier de la bonne exécution de ses obligations
précontractuelles et contractuelles liées notamment à l’exigence de
transparence des clauses contractuelles.
89 Il
résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre aux sixième et
septième questions que la directive 93/13 doit être interprétée en ce
sens qu’elle s’oppose à ce que la charge de la preuve du caractère
clair et compréhensible d’une clause contractuelle, au sens de
l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, incombe au
consommateur.
Sur la huitième question
90 Par
sa huitième question, la juridiction de renvoi demande, en substance,
si l’article 3, paragraphe l, de la directive 93/13 doit être
interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de prêt qui prévoient
que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la
monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de
change sur l’emprunteur, créent un déséquilibre significatif entre les
droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au
détriment du consommateur dès lors que, d’une part, le professionnel
dispose de moyens supérieurs au consommateur pour anticiper le risque de
change et que, d’autre part, le risque supporté par ce professionnel
est plafonné tandis que celui supporté par le consommateur ne l’est pas.
91 Il
importe de rappeler tout d’abord que, en vertu de l’article 3,
paragraphe 1, de la directive 93/13, une clause non négociée d’un
contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est considérée
comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée,
au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les
droits et les obligations des parties découlant de ce contrat.
92 Il
convient également de préciser que, selon une jurisprudence constante,
la compétence de la Cour porte sur l’interprétation des critères que le
juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause
contractuelle au regard des dispositions de cette directive, et
notamment lors de l’examen du caractère éventuellement abusif d’une
clause au sens de l’article 3, paragraphe 1, de ladite
directive, étant précisé qu’il appartient à ce juge de se prononcer sur
la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en
fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en ressort que la
Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des
indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier
le caractère abusif de la clause concernée (voir, en ce sens, arrêt du
3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et
C‑252/19, EU:C:2020:631, point 91 ainsi que jurisprudence citée).
93 En
ce qui concerne l’appréciation du caractère abusif d’une clause
contractuelle, il incombe au juge national de déterminer, en tenant
compte des critères énoncés à l’article 3, paragraphe 1, ainsi
qu’à l’article 5 de la directive 93/13, si, eu égard aux
circonstances propres au cas d’espèce, une telle clause satisfait aux
exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par cette
directive (voir, notamment, arrêt du 7 novembre 2019, Profi Credit
Polska, C‑419/18 et C‑483/18, EU:C:2019:930, point 53 ainsi que
jurisprudence citée).
94 Ainsi,
le caractère transparent d’une clause contractuelle, tel qu’exigé à
l’article 5 de la directive 93/13, constitue l’un des éléments à
prendre en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif de
cette clause qu’il appartient au juge national d’effectuer en vertu de
l’article 3, paragraphe 1, de cette directive (arrêt du
3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820,
point 49 ainsi que jurisprudence citée).
95 En
l’occurrence, les clauses contractuelles en cause au principal,
insérées dans des contrats de prêt libellés en devise étrangère,
prévoient que les deux parties subissent un risque de change, mais que
le risque supporté par le professionnel, en l’occurrence l’établissement
bancaire, est plafonné tandis que celui supporté par le consommateur ne
l’est pas. Ces clauses font ainsi peser, en cas de dépréciation
importante de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère, le
risque de change sur le consommateur.
96 À
cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre
des contrats de prêt libellés en devise étrangère, tels que ceux en
cause au principal, le juge national doit apprécier, eu égard à
l’ensemble des circonstances de l’affaire au principal, et, en tenant
notamment compte de l’expertise et des connaissances du professionnel en
ce qui concerne les possibles variations des taux de change et les
risques inhérents à la souscription d’un prêt libellé en devise
étrangère, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence
de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel
déséquilibre significatif, au sens de l’article 3,
paragraphe 1, de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du
20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703,
point 56).
97 En
ce qui concerne l’exigence de bonne foi, il importe de relever, ainsi
qu’il ressort du seizième considérant de la directive 93/13, que, dans
le cadre de cette appréciation, il faut notamment tenir compte de la
force des positions respectives de négociation des parties et de la
question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à
donner son accord à la clause concernée.
98 S’agissant
de la question de savoir si une clause crée, en dépit de l’exigence de
bonne foi, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif
entre les droits et les obligations des parties au contrat découlant de
celui-ci, le juge national doit vérifier si le professionnel, en
traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait
raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte cette clause à la
suite d’une négociation individuelle (voir, notamment, arrêt du
3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et
C‑252/19, EU:C:2020:631, point 93 ainsi que jurisprudence citée).
99 Partant,
pour apprécier si les clauses d’un contrat, telles que celles en cause
au principal, créent au détriment du consommateur un déséquilibre
significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat
de prêt qui contient ces clauses, il convient de tenir compte de
l’ensemble des circonstances dont le prêteur professionnel pouvait avoir
connaissance au moment de la conclusion de ce contrat, compte tenu
notamment de son expertise, en ce qui concerne les possibles variations
des taux de change et les risques inhérents à la souscription d’un tel
prêt et qui étaient de nature à avoir des répercussions sur l’exécution
ultérieure du contrat ainsi que sur la situation juridique du
consommateur.
100 Au
regard des connaissances et des moyens supérieurs du professionnel
pour anticiper le risque de change, qui peut se matérialiser à n’importe
quel moment au cours de la durée du contrat, ainsi que du risque non
plafonné relatif aux variations des taux de change que les clauses
contractuelles telles que celles en cause au principal font peser sur le
consommateur, il y a lieu de considérer que de telles clauses peuvent
donner lieu à un déséquilibre significatif entre les droits et les
obligations des parties découlant du contrat de prêt concerné au
détriment du consommateur.
101 En
effet, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de
renvoi d’effectuer, les clauses contractuelles en cause au principal
semblent faire peser sur le consommateur, dans la mesure où le
professionnel n’a pas respecté l’exigence de transparence à l’égard de
ce consommateur, un risque disproportionné par rapport aux prestations
et au montant du prêt reçus, puisque l’application de ces clauses a pour
conséquence que le consommateur doit supporter le coût de l’évolution
des taux de change à terme. En fonction de cette évolution, ce
consommateur peut se trouver dans une situation dans laquelle, d’une
part, le montant du capital restant dû en monnaie de paiement, en
l’occurrence en euros, est considérablement plus important que la somme
initialement empruntée et, d’autre part, les mensualités versées ont
presque exclusivement couvert les seuls intérêts. Il en est notamment
ainsi lorsque cette augmentation du capital restant dû en devise
nationale n’est pas équilibrée par la différence entre le taux d’intérêt
de la devise étrangère et celui de la devise nationale, étant précisé
que l’existence d’une telle différence constitue l’avantage principal
d’un prêt libellé en devise étrangère pour l’emprunteur.
102 Dans
de telles conditions, compte tenu notamment de l’exigence de
transparence qui découle de l’article 5 de la directive 93/13, il
ne pourrait être considéré que le professionnel pouvait raisonnablement
s’attendre, en traitant de façon transparente avec le consommateur, à ce
que ce dernier accepte de telles clauses à la suite d’une négociation
individuelle (voir, par analogie, arrêt du 3 septembre 2020, Profi
Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631,
point 96), ce qu’il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi
de vérifier.
103 Eu
égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la huitième question
que l’article 3, paragraphe l, de la directive 93/13 doit être
interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de prêt qui prévoient
que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la
monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de
change, sans qu’il soit plafonné, sur l’emprunteur, sont susceptibles de
créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations
des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès
lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en
respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce
que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un
risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.
Sur les dépens
104 La
procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère
d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à
celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des
observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent
faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
1) L’article 6,
paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la
directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les
clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à
la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce
sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale soumettant
l’introduction d’une demande par un consommateur :
– aux
fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans
un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai
de prescription ;
– aux
fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de
telles clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès
lors que ce délai commence à courir à la date de l’acceptation de
l’offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là,
ignorer l’ensemble de ses droits découlant de cette directive.
2) L’article 4,
paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce
sens que les clauses du contrat de prêt qui prévoient que la devise
étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de
paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur
l’emprunteur relèvent de cette disposition dans le cas où ces clauses
fixent un élément essentiel caractérisant ledit contrat.
3) L’article 4,
paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce
sens que, dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise
étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui
prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro
est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le
risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le
professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et
exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et
raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement
concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des
conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de
telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de
ce même contrat.
4) La
directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce
que la charge de la preuve du caractère clair et compréhensible d’une
clause contractuelle, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de
cette directive, incombe au consommateur.
5) L’article 3,
paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce
sens que les clauses d’un contrat de prêt qui prévoient que la devise
étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de
paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans
qu’il soit plafonné, sur l’emprunteur, sont susceptibles de créer un
déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des
parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors
que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en
respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce
que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un
risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.
Bonichot | Silva de Lapuerta | Toader |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juin 2021.
Le greffier | | Le président de la Ière chambre |
A. Calot Escobar | | J.-C. Bonichot |